
Les petites morts de Nicolas Flamel est un texte contemporain écrit par Mathias Colnos et Véronique Langeley. Production compagnie Cyclone. Avec le soutien de la ville de Gonesse. Création en avril 2003 salle Jacques Brel à Gonesse dans le cadre de la résidence pluriannuelle de la compagnie. Reprise au Studio-Théâtre de la Comédie Française le 27 mai 2003 et en novembre 2004 à Gonesse.
Les petites morts de Nicolas Flamel, de Mathias Colnos et Véronique Langeley. Mise en scène Véronique Langeley. Avec Alexandre Bourguignon (Ash), Philippe Penguy (Nicolas Flamel), Agnès Valentin (Perrenelle). Décor Olivier Martin. Musique Jean-Michel Deliers et Denis Zaidman. Chant Pascale Costantini.

Note des auteurs : Nicolas Flamel et Perrenelle, sa femme, sont deux alchimistes du XIVe siècle. La légende dit qu’ils ont découvert le secret de l’immortalité. On les aurait vus en Inde vers 1710, d’autres à Paris au début du XXe siècle. En échappant à la mort, ils sont devenus orphelins du temps qui s’écoule. Ils errent aujourd’hui sur notre scène à la recherche de leurs désirs perdus, mais ils ne vivent que de souvenirs et de regrets.

C’est par elle que tout est arrivé, figure autoritaire et obstinée à contre-courant de l’image de la femme du Moyen Âge. La corruption, voire la pourriture, suscitent chez cette femme des comportements hystériques et une quête permanente de la pureté. Elle se méfie du corps, autant du sien que de celui des autres. La chasteté n’est pas pour elle un devoir mais plutôt un salut. La pierre philosophale est le moyen de sublimer son renoncement. Elle demeure toutefois dans un déséquilibre entre répulsion et attirance qui la pousse perpétuellement à combler le vide créé par le temps qui passe. Nicolas, plus humain et plus lâche, aurait été un homme ordinaire mais il est devenu malgré lui ce héros mythique. L’oeuvre est pour lui une prison, un asservissement à une passion contre-nature. Finalement, il suit toujours cette femme par amour jusque dans sa folie et son obsession. Avec ce couple les thèmes du désir, de la frustration et de la mort sont interrogés. À travers le prisme de l’alchimie, nous retrouvons des archétypes encore actuels qui doivent susciter chez le spectateur un appel à l’inconscient collectif. Deux pulsions s’opposent tendant à une suppression des tensions.

C’est ce combat de la vie et de la mort qui est ici donné à voir, mais l’immortalité acquise rend l’issue impossible. Ces alchimistes ont finalement gagné sur le temps, mais aux dépens de leur humanité. Un troisième personnage vient perturber cette histoire sans histoire. Tantôt enfant du couple, tantôt valet servile, il est le naïf par qui les Flamel sortiront de ce cercle sans fin. Ash est un enfant de quarante ans qui dévore, avale jusqu’à plus soif, jusqu’à plus faim. Il est aussi l’instrument du désir retrouvé, un démon, un ange ou le sel
c’est selon. Bref, c’est une tragédie moderne et intemporelle comme toutes les tragédies avec un prologue et une fin prévisible.
Mathias Colnos et Véronique Langeley

Mise en scène : « Le monde des symboles alchimiques nappartient pas définitivement, loin de là, aux décombres du passé, bien au contraire, il est relié, de la façon la plus vivante, aux expériences et aux découvertes les plus récentes de la psychologie de linconscient. » C.G. Jung
La dynamique à loeuvre dans nos sentiments, nos désirs, nos affects et celle agissant dans les mélanges de lalchimie sont analogues. Comme la mythologie, lalchimie livre les clés permettant dappréhender les heurts, les ambivalences, les antagonismes, et tous les processus de la psyché. Les petites morts de Nicolas Flamel est un drame qui pourrait se dérouler à nimporte quelle époque. Lécriture et la mise en scène le situent résolument dans un monde d’aujourd’hui.
Articulée en trois actes de sept tableaux chacun, la mise en scène fondée sur cette géométrie tente de mettre en abîme «l’inquiétante étrangeté» du climat où évoluent les personnages. Par le prisme de l’effrayante ambivalence de leurs affects, c’est toujours le désir qui subit la question. Les thématiques de l’immortalité et de la puissance – sexuelle ou intellectuelle – sont ici développées. Le désir et l’amour peuvent-ils résister au temps ? Est-il permis au couple déchapper à la ressemblance, à la fusion ? Le désir naît-il de la souffrance ? Frustration ou sublimation par la création – artistique ou scientifique – prennent des voies différentes selon que l’on est Flamel – le mythe -, Perrenelle – sa femme – ou Ash leur « fils à tout faire ».
La mise en scène rend compte de trois personnages en évolution constante dans un « vase bien clos ». Perrenelle et Ash vont se transformer radicalement l’un prenant quasiment la place de lautre. Ils sont comme deux monstres en orbite autour de Nicolas, dabord un élément neutre, mais qui finira lui-même par décider de lissue finale. La direction des comédiens sattache à restituer, par un travail sur le corps, les symétries dans le couple vieillissant et lascension du nouveau « roi ». Comment mettre en scène ces corps domptés par le temps, sinon par une très grande précision gestuelle ? Véronique Langeley

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